Il faut savoir que...
Lorsqu'un nombre important de cas d'une maladie infectieuse transmissible sont répertoriés en un temps restreint au sein d'une communauté humaine, on parle d'épidémie. Si une maladie sévit de manière permanente dans une zone géographique limitée et frappe une part importante de sa population, il s'agit alors d'une endémie. Dans le cas où la maladie se répand dans un vaste ensemble de régions s'étendant ainsi à tout un continent, voire plusieurs, on parle de pandémie.

Les épidémies dans l'Histoire : des premières maladies à la peste.
Dans la préhistoire, il est difficile d'affirmer qu'il y ai eu des épidémies, même s'il est tentant d'affirmer que ces dernières sont aussi anciennes que l'humanité... En effet, à partir de quel seuil quantitatif les groupes humains ont-ils pu former des foyers de développement des maladies transmissibles?

A partir de la "révolution néolithique", les hommes cohabitent avec les animaux puisqu'ils vivent de l'élevage et de l'agriculture. On peut donc supposer qu'à la création des premières communautés villageoises les maladies transmissibles de certaines espèces animales aient commencé à se transmettre à l'homme. Effectivement ce dernier pratiquait l'épandage des litières souillées afin d'enrichir sa terre, consommait lait et viande dans des conditions d'hygiène médiocre, favorisant ainsi le développement des maladies.
Il faut attendre les premiers récit légendaires relatant les ravages causés par des maladies au sein de populations de plus en plus nombreuses pour trouver à coup sûr trace d'épidémies.

Dans la Grèce Antique, les épidémies étaient perçues comme des punitions divines. Sophocle, au Vème siècle avant J.-C. parle du mal qui ravageait Thèbes en ces mots : "La mort la frappe dans ses troupeaux de boeufs, dans ses femmes qui n'enfantent plus la vie. Une déesse porte-torche, déesse affreuse entre toutes, la Peste, s'est abattue sur nous, fouaillant notre ville [...] cependant que le noir Enfer va s'enrichissant de nos plaintes, de nos sanglots."

La Peste, "maladie de la mort"
Le mot peste n'a pas toujours désigné la peste comme nous l'entendons aujourd'hui (peste bubonique ou pulmonaire). Du latin pesti, il désigne à l'origine un fléau, une calamité, source de malheur et de ruine. Les premiers textes antiques relatant des épidémies ne permettent en général pas d'identifier avec certitude la maladie dont ils retracent les ravages.
Des pestes se sont déclarées de nombreuses fois dans l'Histoire, notamment lors des sièges des conquête militaires. En effet, dans les armées, les hommes vivaient de manière rapprochée les uns des autres et, une fois l'épidémie amorcée, il était impossible de l'arrêter. Les médecins, soignant pour la première fois une maladie qui leur était inconnue, étaient impuissants et c'est même parmi eux que la mortalité était la plus élevée puisqu'ils avaient avec les malades des contacts fréquents. De plus, comme la maladie était considérée comme un fléau envoyé par les dieux, il y avait des rassemblements à l'occasion de prières collectives, des processions, ce qui ne faisait qu'aggraver les effets de la maladie. Tous les moyens d'action humains demeuraient vains. Thucydide, considéré comme un des premiers historiens de l'humanité, a vécu à Athènes au Vème siècle avant J.-C.. Dans son Histoire de la guerre entre les Péloponnésiens et les Athéniens, il appui que "Quant aux prières qu'on faisait dans les temples, aux consultations d'oracles et autres moyens de ce genre, tout cela n'était d'aucun secours et, comme le mal se montrait le plus fort, on cessa finalement d'y avoir recours."

Entre 527 et 767 sévit la "peste de Justinien", la première pandémie de "vraie peste". Elle est divisée en douze réplique au travers de ces trois siècles (VIe, VIIe et VIIIe siècles).
Au cours des XIIIe et XIVe siècles survient la deuxième pandémie de peste. Elle a vraisemblablement pris naissance en Asie centrale au coeur des vastes domaines mongols. C'est en effet là qu'en 1338 éclate une épidémie qui gagne peu à peu les régions développées du sud. A partir de Balassagun, ville carrefour d'un grand commerce international, elle ravage les régions les plus prospères des mondes musulman et chrétien. A l'époque, Génois et Vénitiens dominaient le commerce en Méditerranée. Ils avaient établi un comptoir à Caffa.
En 1344, des marchands italiens voulant échapper aux Mongols se réfugient dans la ville. La ville est assiégée mais ces derniers sont atteints par l'épidémie. Entre 1346 et 1347, contraints de lever le siège, le chef de l'armée mongole fait catapulter des centaines de corps pestiférés par-dessus les remparts. Il s'agirait de la première "attaque biologique".
Dès que le siège est levé, les marchands génois regagnent l'Italie, porteurs des germes de peste. Arrivés au port de Messine, beaucoup sont morts et les survivants sont en mauvaise santé. Les habitants de Messine les ravitaillent puis les obligent à reprendre la mer. Précaution inutile : les premiers pestiférés sont déjà signalés dans la ville et en quelques jours seulement, l'épidémie gagne la Sicile dans son intégralité, puis remonte la péninsule italienne. Naples, Rome puis Sienne et Florence sont touchées. Parvenue en Italie du nord, l'épidémie se répand dans deux directions : à l'ouest, où elle atteint la France et l'Espagne, et au nord, où elle gagne l'Autriche, la Suisse et le sud de l'Allemagne.
En décembre 1347, la maladie sévit à Marseille, puis dans le reste de la France. Dès juin 1348, elle arrive à Paris. L'année suivante, elle ravage l'ensemble de l'Europe.
Cette "peste noire" est celle qui a le plus profondément marqué la mémoire collective. Elle est l'exemple typique de la propagation d'une maladie, passant d'une épidémie à une pandémie. Les historiens modernes estiment que la population européenne a chuté, en un peu plus d'un siècle, de 73 millions d'habitants à 45 millions.

La peste est tout aussi redoutable en pays d'islam. L'année 1348 est la plus meurtrière : d'Alexandrie, la maladie se propage dans toutes les directions. Toutes les régions sont touchées. Une partie de l'Inde est touchée, probablement par mer. D'Egypte, l'épidémie est propagée par les foules de pèlerins qui marchent vers les Lieux saints : La Mecque est dévastée en 1349.
L'épidémie représente donc pour les pays musulmans un choc tout aussi considérable que pour l'Europe chrétienne.
La peste s'est propagée à une vitesse fulgurante au sein des sociétés médiévales. Sa progression est particulièrement rapide le long des grands axes de circulation, lorsque les déplacements des hommes sont intenses. La maladie est plus virulente en ville que dans les campagnes du fait de l'entassement des populations et du manque d'hygiène.
La Peste à Ashdod, 1630 (Nicolas Poussin) Musée du Louvre.
Le recul de la peste noire au cours de la seconde moitié du XIVe siècle n'annonce nullement la disparition de la maladie. Les épidémies se succèdent siècle après siècle, la peste demeure l'épidémie par excellence.
La dernière pandémie de peste à ce jour a pris naissance en Chine en 1886 et s'est répandue dans le monde entier en suivant les grandes voies du commerce maritimes. Cette pandémie fut particulièrement meurtrière : le nombre total de victimes dans le sous-continent est évalué à 12,5 millions entre 1898 et 1918.

La syphilis : les dangers de l'exotisme
1492, les caravelles de Colomb accostent sur une ile des Caraïbes. Cette "découverte de l'Amérique" va être la première expédition qui va changer la dimension du monde pour les européens. Les explorateurs portent dans leurs bagages des calamités dont les épidémies ne sont pas des moindres. Depuis la Renaissance, on a pensé que la syphilis avait été ramenée d'Amérique par les marins de Christophe Colomb.
La syphilis est une maladie sexuellement transmissible qui sévit en Europe à la fin du XVe siècle. Cette maladie était, pour les indigènes des Caraïbes, une maladie bénigne : les Indiens qui en étaient atteints en souffraient très peu. Cela s'explique par le fait que l'agent infectieux de la syphilis (le tréponème, une bactérie) cause, sous certaines formes, d'autres infections comme la pinta, une maladie bénigne présente au sein des populations indigènes. Il est donc supposable que ces germes de pinta aient partiellement immunisé les indigènes qui en étaient porteurs contre ceux de la syphilis. Ainsi, les marins européens, non immunisés par la pinta, affaiblis par la longue traversée de l'Atlantique et atteints du scorbut (maladie causée par le manque de certaines vitamines), auraient développé une forme foudroyante de la maladie et l'auraient transmise aux populations européennes.
En contrepartie, les Indiens d'Amérique ont eux aussi été victimes, en plus des combats inégaux les opposant aux Colombs, d'épidémies de maladies infectieuses introduites par ces derniers. En effet, si les Indiens semblent avoir bénéficié d'une certaine immunité face à la syphilis, il n'en a pas été de même contre les maladies arrivées avec les Européens. La variole, maladie virale se transmettant donc par voie respiratoire avec les gouttelettes de salive a frappé les Indiens de manière dramatique alors qu'au contraire les conquérants y ont bien résisté. Les épidémies successives comme la rougeole, puis le typhus, anéantissent les Indiens, conduisant à l'effondrement des civilisations amérindiennes.
Les déplacements de populations intercontinentaux ont toujours été accompagnés d'épidémies. Dès 1501, alors que la traite négrière débute, les populations d'Amérique sont atteintes par le paludisme, maladie transmise par les moustiques dont les larves vivaient à la surface des barils d'eau douce entassés sur le pont des navires négriers. Arrivé en Amérique, le paludisme a pu s'adapter à de nouvelles espèces de moustiques.

A travers l'Histoire, les épidémies se sont succédées, réapparaissant par périodes, se propageant avec les déplacements humains. Nombreuses sont donc les épidémies en plus de celles citées précédemment.
Parmi les plus importantes, le typhus est une maladie qui se développe fréquemment dans les groupes humains contraints à la promiscuité , vivant en situation de surpeuplement et sans hygiène. C'est pourquoi nombreuses en ont été les épidémies lors de campagnes militaires.
Cette maladie suit et décime les armées en guerre, elle arrive en Europe à partir de 1490, rapportée de Chypre par des soldats espagnols.
Au cours du XIXe siècle, le choléra ravage l'Europe par de violentes épidémies. Il aurait pris naissance en Inde, où il sévit depuis l'Antiquité mais la maladie est restée endémique pendant longtemps car sa région d'origine avait peu d'échanges avec l'extérieur. C'est avec la colonisation et l'intensification des échanges internationaux qu'elle s'étend massivement au reste du monde.
La grippe, et son éternel retour.
L'épidémie de grippe la plus meurtrière fut celle survenue au cours de 1918, connue sous le nom de grippe espagnole. En moins d'une demi-année, elle tue des millions de personnes. Elle fait plus de victimes que les combats de la Première Guerre Mondiale.
Moins de quarante ans plus tard, la "grippe asiatique" a fait le tours du globe, touchant près d'un quart de la population mondiale.
Aujourd'hui, l'exemple d'Ebola.
Les anciennes maladies continuent de sévir à travers le monde, surtout dans les pays en voie de développement, mais nous n'en entendons pas parler. Pourtant, dès que l'épidémie d'Ebola (la plus grave depuis l'identification du virus en 1976) a débuté , cela a fait un vacarme terrible dans les médias.
Selon le dernier bilan de l'OMS, l'épidémie a déjà fait au moins 8981 morts, malgré les moyens mis en place pour en parer l'extension. Le 15 janvier 2015, l'Organisation Mondiale de la Santé constatait une "baisse réelle" des nouveaux cas d'E bola en Afrique de l'ouest. En effet, le nombre de cas est en diminution dans les trois pays les plus touchés (Sierra Leone, Liberia et Guinée). De plus, selon le gouvernement Malien et l'Organisation des Nations Unies, l'épidémie est terminée au Mali : d'après le journal Le Monde, "le seuil des 42 jours sans cas dépisté a été dépassé".

Pour combien de temps sommes nous à l'abri d'une nouvelle pandémie à grande ampleur qui décimera la population humaine?

Depuis la nuit des temps, les maladies contagieuses sont une menace. Alors qu'elles restaient de simples endémies du temps où les hommes vivaient en communautés isolées, dès lors que le commerce et les échanges entre les différentes régions du monde s'est développé, les maladies ont suivit ces mouvements humains, se déplaçant entre les régions, formant les épidémies. Avec une mondialisation qui est en constante évolution, les hommes voyagent de plus en plus, et de manière plus rapide. Cela ne fait que permettre aux épidémies de se répandre encore plus aisément à travers le globe, ne laissant aucune région à l'abri de la menace. Auparavant, les maladies mettaient plusieurs années voire décennies pour se propager au monde entier, désormais quelques heures sont suffisantes pour passer d'un continent à l'autre, grâce aux transports de plus en plus rapides dont nous jouissons, reliant l'intégralité des régions du monde. Ainsi, quelque soit le continent où naît une épidémie, tous les points du monde risquent d'en subir les effets dans les délais les plus brefs, entraînant une pandémie : "un seul foyer dans le monde expose, potentiellement, chaque pays et chaque personne". Une question demeure : comment se protéger face à ces maladies que les distances ne freinent plus? Quels sont les dispositifs mis en place aujourd'hui pour que les épidémies ne ravagent pas les continents sans que nous puissions agir pour les stopper?